Portrait de Gérard DELAHAYE dans la revue Chorus

lundi 23 septembre 2002
par  Bruno

CHORUS : Tu as commencé à chanter en direction des enfants en 1977, lorsque Névénoé a édité une série de 45 tours ?

GERARD DELAHAYE : J’en ai fait deux, avec notamment "Le crabe vert" et "La princesse Dorothée".

Etant môme, connaissais-tu des chansons pour enfants ?

Non ! Je me souviens seulement d’un truc traditionnel que me chantait ma grand-mère, "J’ai une bonne amie à Quimperlé ". D’ailleurs, "La princesse Dorothée", qui est une de mes premières chansons, n’était pas destinée aux enfants. C’était une fable sur Mai 68, qui empruntait une certaine forme, mais elle était au départ dans mon récital, comme "Le crabe vert" et "Le petit soldat".

Comment les choses, alors, ont-elles basculé ?

Au fil des années, des gens m’ont dit : "C’est sympa, ces petites chansons, tu devrais chanter pour les enfants !". Mais moi, j’avais peur de me mettre dans un tiroir et de ne plus en sortir. Donc, c’est venu très graduellement. Le déclic principal, c’est que je connaissais une personne qui est devenue responsable des programmes à France 3 Bretagne Pays-de-Loire. Et en 1983, on s’est retrouvés (Patrick Ewen et moi) à animer une émission pour les enfants, à la télé, qu’on a appelée Merlin Arc en Ciel. Ça a duré quatre ans et j’ai écrit une série de chansons, qui ont donné des espèces de clips. Puis en 85, j’ai enregistré ce qui est devenu l’album de La Princesse Dorothée. Après, j’ai monté un spectacle, et tout s’est enchaîné...

C’est donc en 85/86 que tu t’es vraiment tourné vers les enfants ?

Oui mais à reculons. Parce qu’entre 1986 et 89, j’ai travaillé à Rennes avec un producteur genre très showbiz... pour sortir un malheureux 45 tours qui ne s’est même pas vendu. Comme j’étais coincé, je me suis mis vraiment à appuyer sur le champignon pour les enfants, sinon je risquais d’arrêter entièrement de chanter...

Ça n’a pas dû être très facile ?

Je suis arrivé avec les préjugés du clown de cirque ; j’avais peur d’avoir deux à trois cents gamins devant moi. Pendant trois ou quatre ans, j’ai essayé d’y aller en force, avec une marionnette, un costume (...celui que je portais à la télé), et des accessoires qui me semblaient nécessaires pour toucher l’imaginaire des enfants. Puis, tout doucement, ça a changé dans ma tête, et vers 93/94, j’ai vraiment trouvé un truc à moi, plus sensible.

Cela dit, en 1990, tu avais déjà sorti l’album Chansons de toutes les couleurs ?

Je l’aime bien, parce qu’il bénéficiait déjà de mon expérience de la scène et d’une certaine réflexion sur la chanson pour enfants.

En 91, tu as également enregistré Aujourd’hui, je suis Père Noël...

Ça, c’est un disque complètement à part. Une commande de ma maison de disque [Arc-en-Ciel/SM pour toute la discographie, NDLR], et comme je me suis senti incapable d’écrire dix à douze chansons sur un thème, j’ai fait appel à des copains (Melaine Favennec, Patrick Ewen, Michel Boutet...). L’intérêt, c’est qu’on a essayé de renouveler un peu le répertoire, de parler de Noël sans que ce soit autour de la religion.


De fait, dans ces deux albums, il y avait de très belles chansons, où la musique jouait déjà un grand rôle ?

Elle joue un rôle de plus en plus essentiel pour moi : l’équilibre idéal, c’est un tressage intime entre le mot et la note ; y compris l’accent tonique. Dans mon dernier disque pour enfants de 1994, Ça tourne toujours, que j’ai voulu faire seul à 95.% dans mon studio, plusieurs chansons ont été finies sur la bande avant que j’en écrive les textes.

L’imaginaire, l’humour, le métissage musical... Comment cela se traduit-il en spectacle ?

Cela s’intitule Marin, musicien, magicien et c’est en gros à cheval sur ce disque et le précédent, autour du thème du voyage. Je suis seul en scène - où je joue de la guitare, un peu de violon et d’harmonica - et je m’adresse aux enfants. C’est un dialogue, parfois un peu difficile à tenir, mais je ne vois pas comment faire autrement. C’est un jeu : je lance la balle et ils la renvoient. Chez les enfants, à l’inverse des adultes, l’écoute se voit. Mais mon rêve, c’est de chanter pour les familles. Les adultes doivent sortir aussi contents et émerveillés que les enfants, même pour d’autres raisons...

Propos recueillis par Daniel PANTCHENKO

Extrait de la revue Chorus n°20 - Eté 1997